cerveau, lecture et écriture

Recherche Mis en ligne le 13 novembre 2014
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Quels que soient l’alphabet et la culture dans lesquels nous sommes élevés, c’est toujours la même petite région du cortex visuel de l’hémisphère gauche qui nous permet d’identifier les lettres que nous voyons. Pourquoi donc, dans les vastes régions du cortex visuel qui nous servent à reconnaître les choses qui nous entourent, est-ce cette zone précise qui se spécialise dans la lecture, alors que ses proches voisines se spécialisent dans la reconnaissance des visages ou des lieux ? Pour répondre à cette question, des chercheurs de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Pr Laurent COHEN, PICNIC LAB) ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique « de diffusion » – qui permet de suivre les fibres de substance blanche qui font communiquer entre elles les différentes régions du cerveau. Ils ont ainsi montré que la région de reconnaissance des lettres a des liens privilégiés avec les régions qui assurent la compréhension et la production de la parole, alors que la région de reconnaissance des visages est plus connectée à des systèmes impliqués dans les émotions et les relations sociales. L’anatomie des voies de communications cérébrales est donc décisive dans la façon dont une invention culturelle comme l’écriture trouve sa place dans notre cerveau.

 

A la naissance, rien ne distingue le cerveau d’un bébé contemporain et d’un bébé né il y a dix mille ans, bien avant l’invention de l’écriture. Notre cerveau n’est donc pas spécialement prédisposé à la lecture. Or, lorsqu’un enfant d’aujourd’hui apprend à lire, il le fait exactement grâce aux mêmes régions cérébrales, quels que soient la langue, l’alphabet, la culture dans lesquels il est élevé. En particulier, c’est toujours la même petite région du cortex visuel de l’hémisphère gauche qui apprend à reconnaître les lettres que nous voyons. Pourquoi donc, dans les vastes régions du cortex visuel qui nous servent à reconnaître les choses qui nous entourent, est-ce cette zone précise qui se spécialise dans la lecture, alors que ses proches voisines se spécialisent dans la reconnaissance des visages ou des lieux ?

 

Les chercheurs du PICNIC Lab à l’Institut du Cerveau – ICM ont montré dans un article qui vient d’être publié (Bouhali et al., Journal of Neuroscience) que c’est parce que cette zone possède des connexions particulièrement importantes avec les régions du langage, celles qui permettent, une fois reconnues les lettres d’un mot, de comprendre et de prononcer ce mot.

 

Pour cela, ils ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de diffusion – qui permet de voir les fibres de substance blanche qui font communiquer les différentes parties du cerveau. Chez 75 sujets, ils ont pris comme points de départ d’une part la région de reconnaissance des lettres, et d’autre part la région toute contiguë de reconnaissance des visages. À partir de ces régions, ils ont suivi les faisceaux de substance blanche pour identifier les territoires corticaux qui leurs sont connectés. La comparaison des territoires connectés aux deux régions de départ a montré que la région de reconnaissance des lettres a plus de liens avec les régions du langage, alors que la région de reconnaissance des visages est plus connectée à des systèmes impliqués dans les émotions et les relations sociales.

 

L’anatomie des voies de communications cérébrales est donc décisive pour la détermination des fonctions cérébrales, et notamment pour la façon dont une invention culturelle comme l’écriture trouve sa place dans notre cerveau.

 

Article scientifique :
Anatomical Connections of the Visual Word Form Area, Florence Bouhali et al., Journal of Neuroscience (online publication 11 November 2014)

 

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La région assurant la reconnaissance visuelle des lettres (au centre en vert) est fortement connectée aux régions de la compréhension et de la production de la parole (à gauche), alors que la région de reconnaissance des visages (au centre en rouge) est plus connectée à des systèmes impliqués dans les émotions et les relations sociales (à droite) © Florence Bouhali, Laurent Cohen – Institut du Cerveau – ICM

Equipes scientifiques

Equipe "PICNIC- Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle"
Chef d'équipe
Paolo BARTOLOMEO MD, PhD, DR2, INSERM
Laurent COHEN MD, PhD, PU-PH, Sorbonne Université, AP-HP
Lionel NACCACHE MD, PhD, PU-PH, Sorbonne Université, AP-HP
Cognition: Pensée créative, raisonnement, sémantique et syntaxe Domaine principal: Cognition Domaine secondaire : Neurosciences cliniques & translationnelles La conscience, l’attention, la perception visuelle, le langage sont des fonctions cognitives complexes qui mettent en jeu différentes aires cérébrales et différents réseaux neuronaux. L’équipe "PICNIC - Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle", dirigée par Laurent COHEN, Lionel NACCACHE et Paolo BARTOLOMEO, qui sont tous les trois neurologues, se consacre à l’étude des fonctions cognitives développées de façon exclusive ou prédominante chez l’être humain. L’étude des patients occupe une place centrale dans sa méthode d’approche. Avec les sujets sains comme avec les patients, l’équipe fait appel à des techniques comportementales et d’imagerie cérébrale multimodale de pointe : IRM anatomique et fonctionnelle, EEG, MEG, enregistrements intra-cérébraux.
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