vers l'identification des signatures cérébrales de la conscience au lit du malade

Recherche Mis en ligne le 8 octobre 2014
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Les équipes de Lionel Naccache et de Stanislas Dehaene ont pu identifier certaines signatures cérébrales de l’état de conscience chez les patients victimes de lésions cérébrales sévères. Ces informations cliniques seront précieuses pour diagnostiquer l’état de conscience et en prédire la récupération chez ces malades.

 

 

Face à un malade victime d’une lésion cérébrale sévère (ex : traumatisme crânien, arrêt cardiaque, hémorragie cérébrale massive,…), il est parfois très difficile de déterminer son état de conscience à l’aide des seules données de l’examen clinique, même expert. Comment savoir si ce malade est conscient du monde qui l’entoure et à fortiori de lui même s’il ne communique pas ? Cette question recouvre des enjeux diagnostics, pronostics et éthiques considérables pour les patients, leurs proches et les personnels soignants. Confrontés à ce défi majeur, plusieurs équipes élaborent depuis une quinzaine d’années de nouvelles mesures de l’activité cérébrale susceptibles d’apporter des éléments de réponse objectifs et fiables à cette redoutable question. Les équipes de Lionel Naccache (Institut du Cerveau – ICM, CHU Pitié-Salpêtrière, Université Paris 6) et de Stanislas Dehaene (NeuroSpin, Collège de France) travaillent ainsi de concert dans cette direction.

 

Ainsi, ils ont publié en 2009 un nouveau test consistant à mesurer les réponses cérébrales à différentes formes de nouveauté auditive en enregistrant au lit du malade l’activité électro-encéphalographique (EEG) à l’aide d’un casque d’électrodes. Au cours des années suivantes, leurs équipes ont pu valider la très grande spécificité de ce test chez de nombreux malades végétatifs, minimalement conscients ou conscients. Dans un travail à paraître dans la prestigieuse revue Brain, ils ont franchi un nouveau palier à partir de l’analyse extensive de près de 200 enregistrements EEG de malades en état végétatif ou en état de conscience minimale. Pour chaque enregistrement, ils ont calculé une centaine de marqueurs EEG différents afin de déterminer lesquelles d’entre eux étaient les plus à même de prédire à la fois l’état clinique actuel des malades, mais également le pronostic de conscience dans les 6 semaines à venir. Certaines de ces mesures de l’activité cérébrale sont traditionnelles (ex : potentiels évoqués, analyse spectrale), tandis que d’autres sont issues de nouvelles techniques du traitement du signal (mesures de connectivité fonctionnelle, de complexité et d’entropie ; mesures de la variabilité des réponses). A l’issue de ce travail de grande échelle réalisé par Jacobo Sitt et Jean-Rémi King, certaines signatures cérébrales de l’état de conscience ont ainsi pu être identifiées et validées.
En entraînant un algorithme à distinguer, sur la base de ces mesures EEG, les patients cliniquement en état végétatif de ceux en état de conscience dite minimale, les auteurs ont analysé les performances diagnostiques et pronostiques de leur algorithme. Si la majorité des malades cliniquement végétatifs étaient identifiés comme tels par le classificateur mathématique, d’autres malades également végétatifs étaient pourtant diagnostiqués comme « minimalement conscients » par l’algorithme. Afin de mieux interpréter ces « erreurs » de classification de l’algorithme, les auteurs de l’étude ont comparé le devenir des malades végétatifs considérés comme végétatifs par l’algorithme à ceux qui étaient considérés comme étant dans un meilleur état de conscience. De manière surprenante, le pronostic de récupération d’un état de conscience chez ces malades en état végétatif identifiés comme minimalement conscients doublait par comparaison avec celui des malades végétatifs considérés également comme végétatifs par l’algorithme.

 

Ceci suggère que les marqueurs EEG considérés apportent des informations complémentaires aux informations cliniques pour diagnostiquer l’état de conscience et pour prédire la récupération de la conscience chez ces malades.

 

Dans un avenir que les auteurs veulent proche, des versions simplifiées de ces analyses devraient être rendues disponibles afin de faciliter leur utilisation pour tous les départements cliniques disposant de systèmes d’enregistrement traditionnels de l’EEG. Rappelons que l’EEG est un outil médical très utilisé, peu onéreux, non invasif, répétable à souhait, et qui peut être enregistré au lit du malade.

 

Article: Large scale screening of neural signatures of consciousness in patients in a vegetative or minimally conscious state, Sitt JD, King JR, El Karoui I, Rohaut B, Faugeras F, Gramfort A, Cohen L, Sigman M, Dehaene S, Naccache L. Brain (First published online June 11th 2014)

 

Illustration extraite de l’article disponible sur PubMed © Lionel Naccache

Equipes scientifiques

Equipe "PICNIC- Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle"
Chef d'équipe
Paolo BARTOLOMEO MD, PhD, DR2, INSERM
Laurent COHEN MD, PhD, PU-PH, Sorbonne Université, AP-HP
Lionel NACCACHE MD, PhD, PU-PH, Sorbonne Université, AP-HP
Cognition: Pensée créative, raisonnement, sémantique et syntaxe Domaine principal: Cognition Domaine secondaire : Neurosciences cliniques & translationnelles La conscience, l’attention, la perception visuelle, le langage sont des fonctions cognitives complexes qui mettent en jeu différentes aires cérébrales et différents réseaux neuronaux. L’équipe "PICNIC - Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle", dirigée par Laurent COHEN, Lionel NACCACHE et Paolo BARTOLOMEO, qui sont tous les trois neurologues, se consacre à l’étude des fonctions cognitives développées de façon exclusive ou prédominante chez l’être humain. L’étude des patients occupe une place centrale dans sa méthode d’approche. Avec les sujets sains comme avec les patients, l’équipe fait appel à des techniques comportementales et d’imagerie cérébrale multimodale de pointe : IRM anatomique et fonctionnelle, EEG, MEG, enregistrements intra-cérébraux.
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