cerveau et attention spatiale

Recherche Mis en ligne le 23 janvier 2015
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L’hémisphère gauche peut-il compenser une lésion de l’hémisphère droit ?

 

Le Dr Paolo Bartolomeo, Directeur de recherche Inserm et chef d’équipe de PICNIC LAB à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière – Institut du Cerveau – ICM (Inserm, CNRS, Sorbonne Université et APHP) – et ses collaborateurs ont publié le 21 janvier 2015 dans la revue Brain, les résultats de leurs recherches sur la “négligence spatiale unilatérale” encore connue sous le terme “d’héminégligence”. Les personnes atteintes de ce trouble agissent comme si elles ignoraient la moitié gauche du monde. Ce trouble survient essentiellement après une lésion de l’hémisphère droit du cerveau, par exemple suite à un AVC (Accident Vasculaire Cérébral), et en aggravent le handicap en gênant la rééducation et la récupération. Les scientifiques ont donc recherché des facteurs prédictifs de la persistance de ce trouble, afin de proposer aux patients une rééducation adaptée.

 

Le travail publié montre que les deux hémisphères peuvent en partie se compenser l’un l’autre en cas de lésion, grâce à des mécanismes, dits de “plasticité cérébrale”, encore peu connus. Les résultats suggèrent cependant que cette compensation nécessite que les deux hémisphères “se parlent” via des connexions – faisceaux de matière blanche formés par les prolongements des neurones – non lésées.

 

En phase aiguë d’un AVC survenant dans l’hémisphère droit, la grande majorité des patients présente des signes de négligence gauche (la partie gauche de notre corps fonctionnant avec l’hémisphère droit et vice versa). Ces patients se comportent comme si la moitié gauche du monde n’existait plus. Ils ne mangent pas ce qui se trouve dans la moitié gauche de l’assiette, se cognent dans les meubles situés à gauche, ne se rasent ou ne se maquillent pas la partie gauche du visage. Ils récupèrent également moins bien de leurs déficits moteurs que les patients touchés à l’hémisphère gauche. Certains d’entre eux récupèrent avec le temps, mais l’amélioration spontanée de la négligence est loin d’être la règle : au moins un tiers des patients présentant ce trouble en phase aiguë continueraient à en présenter les signes plus d’un an après leur lésion. Cela souligne l’enjeu clinique à identifier les facteurs prédictifs de la persistance de la négligence, afin de proposer une rééducation adaptée aux patients chez lesquels ce trouble risque de devenir chronique.

 

Le Dr Paolo Bartolomeo et ses collaborateurs ont suivi l’évolution de la négligence dans le temps chez 45 patients avec lésions vasculaires de l’hémisphère droit. Des méthodes avancées d’imagerie par résonance magnétique ont permis d’étudier l’état les fibres de substance blanche qui permettent aux différentes régions du cerveau de communiquer entre elles, ainsi que les deux hémisphères. Tous les patients négligents avaient des atteintes dans les voies de communications entre la partie antérieure et la partie postérieure de l’hémisphère droit ; les patients avec négligence persistante plus d’un an après la lésion présentaient, en plus, une atteinte de la partie postérieure du corps calleux, la connexion qui permet aux deux hémisphères de communiquer entre eux. L’hémisphère gauche (sain) doit donc pouvoir communiquer avec l’hémisphère lésé (droit), afin d’apprendre à compenser les déficits visuo-spatiaux provoqués par la lésion cérébrale. Les patients avec atteinte du corps calleux sont à risque de négligence chronique, et devraient donc bénéficier d’un accès prioritaire aux traitements de rééducation.

 

Un patient souffrant de négligence spatiale omet de recopier les éléments situés à gauche d’une figure © PICNIC LAB – Institut du Cerveau - ICM

Un patient souffrant de négligence spatiale omet de recopier les éléments situés à gauche d’une figure © PICNIC LAB – Institut du Cerveau – ICM

 

 

Article scientifique :
White matter lesional predictors of chronic visual neglect: A longitudinal study.
Marine Lunven, Michel Thiebaut De Schotten, Clémence Bourlon, Christophe Duret, Raffaella Migliaccio, Gilles Rode et Paolo Bartolomeo. Brain (online publication January 21, 2015)
Lien de la publication

 

 


Légende : Superposition des lésions des 17 patients cérébro-lésés du coté droit inclus dans l’étude et présentant une négligence chronique (CNP : chronic neglect patients). Les lésions sont imagées par IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) à différents niveaux du cerveau. © Lunven et al, Paolo BARTOLOMEO, Institut du Cerveau – ICM – OxfordUniversity Press

Equipes scientifiques

Equipe "PICNIC- Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle"
Chef d'équipe
Paolo BARTOLOMEO MD, PhD, DR2, INSERM
Laurent COHEN MD, PhD, PU-PH, Sorbonne Université, AP-HP
Lionel NACCACHE MD, PhD, PU-PH, Sorbonne Université, AP-HP
Cognition: Pensée créative, raisonnement, sémantique et syntaxe Domaine principal: Cognition Domaine secondaire : Neurosciences cliniques & translationnelles La conscience, l’attention, la perception visuelle, le langage sont des fonctions cognitives complexes qui mettent en jeu différentes aires cérébrales et différents réseaux neuronaux. L’équipe "PICNIC - Neuropsychologie et neuroimagerie fonctionnelle", dirigée par Laurent COHEN, Lionel NACCACHE et Paolo BARTOLOMEO, qui sont tous les trois neurologues, se consacre à l’étude des fonctions cognitives développées de façon exclusive ou prédominante chez l’être humain. L’étude des patients occupe une place centrale dans sa méthode d’approche. Avec les sujets sains comme avec les patients, l’équipe fait appel à des techniques comportementales et d’imagerie cérébrale multimodale de pointe : IRM anatomique et fonctionnelle, EEG, MEG, enregistrements intra-cérébraux.
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