Journée Internationale de sensibilisation à l’ataxie

Recherche Mis en ligne le 25 septembre 2015
Journée Internationale de sensibilisation à l’ataxie

©Institut du Cerveau - ICM

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Le 25 septembre 2015 est l’occasion de faire connaitre au grand public les ataxies cérébelleuses, un groupe de maladies neurologiques rares mais très invalidantes.

Les recherches sur ces maladies sont menées à l’Institut du Cerveau – ICM par le Pr. Alexandra Durr (clinicien-chercheur Sorbonne Université/APHP) pour le versant recherche clinique et Giovanni Stevanin (chercheur Inserm/EPHE) pour le versant recherche fondamentale, dans l’équipe du Pr. Alexis Brice.

 

 

Comprendre ce qu’est l’ataxie cérébelleuse

L’ataxie (étymologiquement absence d’ordre) est un symptôme clinique se traduit par des troubles de la coordination motrice et des troubles de l’équilibre. Elle touche environ 1 personne sur 10 000 en France et dans la plupart des pays européens, soit environ 10 000 personnes dans l’Hexagone.

Cette maladie est due à la mort des cellules nerveuses du cervelet et/ou à celle des faisceaux nerveux qui y sont connectés. Le cervelet est la partie du cerveau responsable de la coordination des mouvements volontaires, le premier signe de l’ataxie est souvent une perte de l’équilibre qui évolue de manière continue vers une incoordination qui va affecter la marche, la posture, la parole ou les mouvements oculaires par exemple.

Les ataxies cérébelleuses peuvent résulter d’accidents vasculaires, de tumeurs, d’abus d’alcool ou de certaines intoxications chimiques. Il existe également des formes héréditaires dont la cause est génétique et qui conduisent à la dégénérescence des cellules nerveuses du cervelet et/ou à celle des faisceaux nerveux qui y sont connectés. Pour ces formes, des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années grâce à l’identification d’un nombre croissant de mutations (altérations) dans des gènes (support de l’hérédité et ils sont responsables de la synthèse des protéines de l’organisme).

Plusieurs avancées en recherche à l’Institut du Cerveau – ICM

Une cohorte de patients unique au monde

Une des grandes forces de la recherche à l’Institut du Cerveau – ICM sur les ataxies est la présence de la plus grande cohorte internationale : 9 000 patients sont recensés ainsi que leurs suivis cliniques, leurs produits biologiques, leurs ADN… Etant donné que l’ataxie est une maladie rare, ce regroupement de ressources est unique au monde et permet aux chercheurs d’étudier la maladie à tous les niveaux : de l’identification des gènes impliqués à l’évolution clinique des patients. Cette cohorte est également indispensable à la mise en place d’essais thérapeutiques.

L’Institut du Cerveau – ICM coordonne le réseau SPATAX (spastic paraplegia and ataxia) : 42 équipes internationales de recherche ou de cliniciens qui travaillent ensemble pour joindre leurs forces et échanger les informations.

Identifier les gènes impliqués

Ces dernières années, la disponibilité de l’ensemble des données de séquençage a permis d’identifier les gènes en cause de manière beaucoup plus rapide et de mettre en évidence l’association de différentes formes de la maladie avec des mutations de certains gènes.

D’après une étude génétique menée sur 144 patients atteints d’ataxie cérébelleuse à début précoce, le Pr. Alexandra Durr et ses collaborateurs ont montré que différentes mutations d’un gène, GRID2, qui code pour un récepteur au glutamate, sont impliquées dans le développement de formes d’ataxies plus ou moins sévères.

Pr. Alexandra Durr, Giovanni Stevanin et leurs collègues du réseau internatio­nal SPATAX ont également contribué à l’identifi­cation de 4 nouveaux gènes dont les mutations sont responsables de formes héréditaires dominantes d’ataxie (KCND3/SCA22, ELOVL5/SCA38et TMEM240/ SCA21) ou de formes héréditaires récessives d’ataxie avec paraplégie spastique (SPG46/GBA2). Les paraplégies spastiques héréditai­res sont des troubles neurodégéné­ratifs cliniquement et génétiquement hétérogènes affectant des individus de tous âges. Les signes cliniques s’instal­lent progressivement et sont caractéri­sés par des troubles de la marche très invalidants dus à une raideur (spasti­cité) des membres inférieurs.

La découverte de ces gènes dans ces formes rares représente un réel espoir pour comprendre les mécanismes de l’ataxie cérébelleuse et déterminer de nouvelles cibles théra­peutiques potentielles.

Même si près d’une centaine de gènes ont déjà été impliqués dans les ataxies, le travail d’identification des gènes continue à l’Institut du Cerveau – ICM, car pour 40 % des patients, la cause génétique reste inconnue. Le fait que le même gène puisse être impliqué dans différentes maladies révolutionne actuellement la classification des maladies et met en évidence l’importance de l’interaction entre les gènes et l’influence des gènes modulateurs (Pour revue, Coutelier et al, J Neurol 2015).

Position des mutations identifiées dans le canal potassium KCND3 localisé dans la membrane cellulaire.

Position des mutations identifiées dans le canal potassium KCND3 localisé dans la membrane cellulaire.

Comprendre l’interaction entre les gènes

Bien souvent, la mutation n’explique pas à elle seule la maladie et il existe une multiplicité de facteurs pouvant moduler la sévérité de la pathologie (âge d’apparition, vitesse d’aggravation ou les signes cliniques associés…). Ainsi, dans le cadre d’un réseau européen (EUROSCA), Giovanni Stevanin et ses collaborateurs ont démontré que certains gènes influencent l’âge d’apparition de la maladie chez des patients ayant une mutation dans un gène donné. L’ana­lyse de données génétiques a été réalisée sur la plus grande cohorte jamais étudiée dans le domaine des ataxies (1931 patients). Les chercheurs ont mis en évidence une corrélation entre l’âge d’ap­parition de la maladie et la répétition d’une séquence ADN (de 3 nucléotides CAG) dans différents gènes.

L’identification de gènes qui peuvent moduler la sévérité de la pathologie pourrait permettre la mise en place de stratégies thérapeutiques alternatives visant à reculer l’âge de début des premiers signes et donc à ralentir la progression de la maladie.

Comprendre les mécanismes de la maladie

Dans les formes héréditaires dominantes des ataxies cérébelleuses, environ 50% des cas sont expliqués par l’expansion anormale d’un motif dans certains gènes. Ceci induit une toxicité des protéines produites. En effet, ce motif supplémentaire va entraîner une conformation anormale des protéines produites, leur agrégation à l’intérieur des neurones et une perte partielle de leurs fonctions. Cette agrégation conduit à la mort des neurones.

Il existe des systèmes de dégradation responsables de la destruction des protéines anormales mais une partie de la pathogenèse résulterait d’un débordement de ces systèmes.

Trouver des solutions thérapeutiques

Pour lutter contre la maladie, le but est d’arriver à réduire l’accumulation des protéines toxiques à l’intérieur des neurones. Pour cela, les chercheurs ont testé deux pistes qui s’avèrent très efficaces dans un modèle expérimental.

  • Booster les systèmes de dégradation

Les agrégats se forment parce qu’ils ne sont pas dégradés correctement par les protéines chargées de le faire dans la cellule. Les chercheurs Annie Sittler et Giovanni Stevanin ont montré qu’en augmentant la capacité des systèmes de dégradation (soit par en surexprimant une protéine impliquée dans ces systèmes, la PML, soit en injectant du Beta-interféron qui stimule l’expression de PML), l’effet est bénéfique : c’est-à-dire que le processus d’agrégation dans les neurones diminue et que les capacités motrices des souris sont améliorées.

Réduction de taille et de nombre des agrégats de protéines anormale dans le cerveau des souris ataxiques traitées avec l’interféron.

Réduction de taille et de nombre des agrégats de protéines anormale dans le cerveau des souris ataxiques traitées avec l’interféron.

  • Diminuer la synthèse des protéines toxiques

Il s’agit de diminuer la synthèse des protéines toxiques pour que les systèmes de dégradation puissent prendre en charge leur élimination. Grâce à des stratégies appelées « anti-sens » ou « interférence », les chercheurs Annie Sittler et Giovanni Stevanin en collaboration avec l’AFM ont réussi à diminuer l’expression des gènes en cause dans un modèle murin.

Ces deux approches sont très prometteuses et ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Etudier l’apparition de la maladie

Une cohorte de patients pré-symptomatiques est suivie pour étudier l’évolution de la maladie. Le Pr. Alexandra Durr et ses collaborateurs cherchent à identifier un ou plusieurs marqueurs (anomalies à l’IRM ou augmentation de certaines protéines dans le sang des patients) qui signent la mise en place de la pathologie. Cela permettrait d’une part de trouver des stratégies pour différer l’apparition de la maladie et, d’autre part, d’identifier une fenêtre optimale de traitement, juste avant que la maladie ne se déclare.

Les chercheurs de l’équipe dont le Pr. Jean-Christophe Corvol et Annie Sittler ont mis en évidence, dans un type d’ataxie, un marqueur des systèmes de dégradation qui augmente dans le sang en fonction de la sévérité de la maladie. Ce biomarqueur pourra être utilisé pour mesurer l’efficacité des traitements.

Diagnostiquer la maladie

Cette équipe fait également partie du centre de référence maladies rares national qui est coordonné par le Pr. Alexandra Durr et qui fait partie de la filière nationale Brain-team regroupant 9 centres de références, plus de 50 centres de compétence et 39 associations des patients.

Pour l’instant, le diagnostic est établi en se concentrant sur les gènes les plus fréquemment impliqués. Afin d’améliorer le diagnostic de la maladie, Giovanni Stevanin et ses collaborateurs développent un kit de diagnostic qui permet de tester tous les gènes connus impliqués dans les ataxies en une seule fois. Le développement de ce kit diagnostique est une avancée majeure. Il permettra de rendre un diagnostic rapide et fiable pour beaucoup plus de patients, la majorité des gènes impliqués dans la maladie n’étant pas testés actuellement en France. Les cliniciens pourront ainsi identifier la maladie et la nommer, ce qui est fondamental pour le patient. Ce diagnostic précis permettra également de mettre en place un suivi adapté afin, d’une part de comprendre l’évolution de la maladie, et, d’autre part de constituer des cohortes pour des futurs essais thérapeutiques.

 

Pour aller plus loin :