Des mutations dans le cerveau responsables d’épilepsie avec malformation cérébrale ?

Recherche Mis en ligne le 17 novembre 2016
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Les épilepsies focales sont localisées dans une zone restreinte du cerveau. Comme elles sont souvent résistantes aux médicaments antiépileptiques, le retrait par chirurgie du foyer épileptique – la zone du cerveau responsable des crises d’épilepsie – reste la seule solution thérapeutique pour les patients. Ces épilepsies peuvent être associées à des malformations du cerveau, les dysplasies corticales focales (FCD). Les chercheurs de l’équipe de Stéphanie Baulac se sont intéressés aux mutations géniques survenues dans le tissu cérébral de patients présentant une épilepsie focale avec FCD. Ainsi, ils ont mis en évidence des mutations dans le gène MTOR, présentes uniquement dans quelques cellules du cerveau localisées au niveau de la dysplasie. Ces travaux ouvrent la voie vers de nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement de l’épilepsie visant la voie de signalisation mTOR. Ces résultats sont publiés dans la revue Neurology genetics.

Les dysplasies corticales focales (FCD) sont des malformations cérébrales qui apparaissent au cours du développement du cerveau. Elles sont caractérisées par des modifications morphologiques des cellules (cellules de grande taille dites cytomégaliques) et de leur organisation dans le cortex cérébral. Ces dysplasies peuvent être associées à une épilepsie dite focale, c’est-à-dire n’affectant qu’une zone restreinte du cerveau. Les épilepsies focales sont le type le plus fréquent d’épilepsie, touchant environ 2/3 des patients.

Les patients atteints d’épilepsie focale sévère et résistante aux traitements médicamenteux, peuvent être opérés pour retirer le foyer épileptogène (zone du cerveau responsable des crises d’épilepsie). Au sein d’une cohorte de patients épileptiques atteints de FCD, les chercheurs de l’équipe de Stéphanie Baulac ont extrait l’ADN des tissus post-opératoires et du sang de ces patients, et ont recherché des mutations.

Leurs résultats montrent qu’1/3 des patients de la cohorte présentent une mutation dans le gène MTOR au niveau de l’ADN de la lésion cérébrale. Ces mutations, dites somatiques, sont détectées uniquement dans certaines cellules du cerveau, et sont absentes du sang et du reste de l’organisme (elle n’a pas été héritée et ne sera pas transmise). De plus ces mutations sont récurrentes, c’est-à-dire que la même mutation survient chez plusieurs patients.

La cascade de signalisation mTOR, qui implique entre autre le gène MTOR, contrôle notamment la prolifération et la croissance cellulaire. Elle régule le développement cérébral en contrôlant notamment la production de nombreuses protéines ainsi que la migration ou la taille des cellules neuronales. Dans un deuxième temps, les chercheurs ont mis en évidence une hyperactivation de la voie mTOR dans les cellules anormales présentes dans les tissus post-opératoires de ces patients, indiquant que les mutations de MTOR sont pathogènes. Une mutation du gène MTOR dans des cellules neuronales pourrait donc expliquer l’apparition d’une dysplasie corticale au cours du développement.

En collaboration avec d’autres chercheurs Européens, l’équipe a également identifié des mutations germinales (présentes dans toutes les cellules de l’organisme) dans MTOR chez des patients avec épilepsie focale avec ou sans malformation cérébrale. De manière surprenante, les mutations somatiques entraînent des malformations plus sévères que les mutations germinales. Ainsi, une mutation présente dans quelques cellules de l’organisme pourrait causer plus de dégâts qu’une mutation constitutive touchant l’ensemble des cellules de l’organisme.

L’ensemble de ces découvertes renforcent le concept émergent que le cerveau est mosaïque, chaque cellule le constituant comportant un ADN unique à chaque cellule.

L’équipe de Stéphanie Baulac s’attaque désormais au séquençage de l’ADN et de l’ARN sur cellule unique, provenant de tissu post-opératoire de patients. Cela permettra de valider la présence de la mutation somatique spécifiquement dans les cellules cytomégaliques. La deuxième étape serait de coupler cette étude génétique à l’étude des propriétés électrophysiologiques du neurone, pour mettre en évidence les effets de l’hyperactivation de la voie mTOR sur le fonctionnement du neurone.

Une meilleure compréhension des mutations responsables de certaines épilepsies et du mécanisme mis en jeu par la voie mTOR ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques dans le traitement de l’épilepsie.

Référence : Germline and somatic mutations in the MTOR gene in focal cortical dysplasia and epilepsy. Rikke S. Møller PhD; Sarah Weckhuysen MD, PhD; Mathilde Chipaux MD, PhD; Elise Marsan; Valerie Taly PhD; E. Martina Bebin MD, MPA; Susan M. Hiatt PhD; Jeremy W Prokop PhD, Kevin M. Bowling PhD; Davide Mei MSc; Valerio Conti PhD; Pierre de la Grange PhD; Sarah Ferrand-Sorbets MD; Georg Dorfmüller MD; Virginie Lambrecq MD, PhD; Line HG Larsen; Eric Leguern MD, PhD; Renzo Guerrini MD, FRCP; Guido Rubboli MD,; Gregory M. Cooper PhD and Stéphanie Baulac PhD.