DIAGNOSTIQUER LA MALADIE D’ALZHEIMER À LA PHASE PRÉCLINIQUE GRÂCE À L’ÉLECTROENCÉPHALOGRAPHIE

Recherche Mis en ligne le 27 juin 2019
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Il est essentiel de diagnostiquer au plus tôt la maladie d’Alzheimer afin de proposer un traitement très précoce aux patients. Cependant, actuellement il n’existe pas d’outil qui soit simple d’utilisation pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer à la phase préclinique, c’est-à-dire avant la survenue des premiers symptômes. Dans une étude publiée dans la revue Brain, Sinead Gaubert, neurologue et chercheuse à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (CNRS/Inserm/Sorbonne Université) à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, Federico Raimondo (Université de Liège/Sorbonne Université) et Stéphane Epelbaum, neurologue et chercheur à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (CNRS/Inserm/Sorbonne Université), ont mis en évidence grâce à l’électroencéphalographie (EEG) des modifications électriques cérébrales précoces chez des sujets à la phase préclinique de la maladie d’Alzheimer, dans la cohorte INSIGHT-preAD suivie à l’institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer par l’équipe de recherche clinique du Pr Bruno Dubois. Ces résultats extrêmement prometteurs laissent à penser que l’EEG pourrait être utilisé dans les années à venir pour dépister précocement la maladie d’Alzheimer au stade préclinique.

Il est déjà possible de détecter les premières lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer, lorsque la maladie se développe sans encore produire aucun symptôme. Seulement, cela nécessite de mettre en œuvre des moyens invasifs ou coûteux, qui sont la ponction lombaire et l’imagerie par tomographie d’émission de positons. « Il manque une méthode simple, non-invasive et peu coûteuse pour tester un grand nombre de patients afin de vérifier si la maladie n’est pas déjà installée dans sa phase silencieuse », explique Sinead Gaubert. Cela permettrait de proposer des thérapies à un stade très précoce et de mieux comprendre la manière dont la maladie se développe.

Au cours de l’étude conduite par Sinead Gaubert, Federico Raimondo et Stéphane Epelbaum à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Institut du Cerveau – ICM) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, les chercheurs ont analysé les enregistrements EEG de 318 personnes présentant une plainte de mémoire subjective mais dont les performances cognitives étaient normales. Ces personnes étaient suivies dans la cohorte INSIGHT-preAD (Dubois et al. 2018), dont l’objectif est d’identifier les facteurs de développement et les marqueurs de progression de la maladie d’Alzheimer.

Grâce à la tomographie par émission de positons, moyen d’imagerie coûteux et peu disponible, les lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer (lésions dites « amyloïdes » et de « neurodégénérescence ») ont pu être détectées chez un certain nombre de ces personnes. En comparant les EEG des personnes présentant des lésions de la maladie d’Alzheimer à ceux des personnes indemnes de la maladie, les chercheurs ont mis en évidence des modifications de l’activité électrique cérébrale chez les sujets au stade préclinique de la maladie. Les modifications électroencéphalographiques étaient principalement présentes dans les régions cérébrales antérieures, notamment frontales, suggérant l’existence de mécanismes de compensation permettant un maintien des performances intellectuelles et mnésiques. Les chercheurs ont mis en évidence une relation non-linéaire entre le degré de sévérité de la charge amyloïde et les mesures EEG, avec une augmentation de l’activité électrique cérébrale pour une charge amyloïde intermédiaire et un ralentissement du tracé EEG pour une charge amyloïde très élevée, ce qui suggère que les mécanismes de compensation initiaux sont ensuite dépassés lorsque la charge amyloïde excède un certain seuil.

Cette étude est la première au monde à mettre en évidence des modifications électroencéphalographiques à la phase préclinique de la maladie d’Alzheimer.

 

« L’électroencéphalographie, examen non-invasif et peu coûteux, semble être une technique très prometteuse pour identifier les sujets à la phase précoce de la maladie d’Alzheimer », résume Sinead Gaubert.

La prochaine étape sera de combiner les biomarqueurs EEG grâce à un algorithme de machine-learning pour développer un outil diagnostic haute performance qui soit utilisable en pratique clinique courante. Enfin, des études complémentaires viseront à adapter cette méthode à des systèmes d’électroencéphalographie courants, comportant un nombre réduit d’électrodes (21 électrodes au lieu de 256) pour rendre cette technique accessible aux centres médicaux de ville.

 

> Retrouvez l’étude publiée dans la revue Brain

 

Source :

EEG evidence of compensatory mechanisms in preclinical Alzheimer’s disease

Sinead Gaubert, MD, Federico Raimondo, MD, PhD, Marion Houot, MS, Marie-Constance Corsi, MD, PhD, Prof Lionel Naccache, MD, PhD, Jacobo Diego Sitt, MD, PhD, Bertrand Hermann, MD, Delphine Oudiette, MD, PhD, Geoffroy Gagliardi, MS, Marie-Odile Habert, MD, PhD, Prof Bruno Dubois, MD, PhD, Fabrizio De Vico Fallani, MD, PhD, Hovagim Bakardjian, PhD, Stéphane Epelbaum, MD, PhD and the Alzheimer’s Disease Neuroimaging Initiative, the MEMENTO study group and the INSIGHT-preAD study group