Dossier spécial : Journée mondiale de LA MALADIE DE PARKINSON

Recherche Mis en ligne le 11 avril 2019
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Institut du Cerveau – ICM : Quelles recherches, quelles avancées ?

La maladie de Parkinson touche 160 000 personnes en France dont 8000 nouveaux cas chaque année, C’est la deuxième cause de handicap moteur non traumatique en France. La recherche sur cette pathologie est devenue un véritable enjeu de santé publique dans lequel l’Institut du Cerveau – ICM s’est engagé depuis sa création. Cinq équipes de l’Institut du Cerveau – ICM tentent aujourd’hui d’identifier les causes de cette maladie afin d’accélérer la pose d’un diagnostic et de proposer des traitements adaptés.

 

La maladie de Parkinson, des tremblements….mais pas seulement !


La maladie de Parkinson est la maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer. Les patients souffrent principalement de troubles moteurs de type bradykinésie, c’est-à-dire de lenteur dans l’initiation et la réalisation des mouvements et également d’akinésie, une rigidité musculaire, qui donne en autre une expression figée des traits du visage et des difficultés à réaliser des gestes précis.

 

La maladie de Parkinson se manifeste donc par un grave dysfonctionnement moteur dont les symptômes peuvent être corrigés par une stimulation cérébrale profonde du noyau sub-thalamique, Il est nécessaire de comprendre précisément le rôle du noyau sub-thalamique dans les mouvements volontaires pour développer de nouvelles thérapies pour la maladie de Parkinson. L’équipe de Brian Lau et Carine KARACHI a pour objectif de caractériser le rôle du noyau sub-thalamique et de comprendre en quoi la façon dont les informations partent du cortex définit l’activité dans le noyau sub-thalamique.

 

 

Le projet sémaphore porté par 2 équipes de recherche de l’Institut du Cerveau – ICM ( VIDAILHET/LEHERICY et COLLIOT/DURRLEMAN) repose sur la collecte de données cliniques, comportementales, génétiques, métaboliques et d’imagerie cérébrale auprès de deux cohortes de patients afin d’identifier des biomarqueurs de suivi de la progression des dommages cérébraux. L’objectif est aussi de détecter des marqueurs de « conversion » de la maladie chez les personnes à risque afin de traiter avant l’apparition des symptômes. La dimension particulièrement innovante du projet séMAPhore réside dans la combinaison unique de la puissance et de la précision des modèles statistiques, de l’informatique et de l’imagerie médicale.

 

Des neurones qui ne communiquent plus entre eux et qui dégénèrent…

La diminution des capacités motrices observée chez les patients résulte d’une dégénérescence massive et progressive des neurones dopaminergiques, producteurs de dopamine, un messager chimique permettant la transmission de l’information entre les neurones et impliqué dans le contrôle des mouvements.

L’essai clinique ICEBERG* mené par l’équipe de Marie VIDAILHET et stéphane LEHERICY

part du postulat que les symptômes de la maladie de Parkinson ne sont que les manifestations tardives d’un ensemble plus vaste de lésions dont il est possible de détecter les biomarqueurs en phase précoce. L’étude menée sur plus de 300 patients a permis d’identifier un nouveau marqueur de la progression de la perte des neurones dopaminergiques grâce à une séquence d’IRM détectant la neuro-mélanine.  Cette protéine joue un rôle protecteur vis-à-vis des neurones en capturant et isolant des toxiques comme le fer.

*avec le soutien de la FONDATION EDF

 

Une certaine part de génétique…. mais pas seulement !

5% des patients atteints de la maladie de parkinson présentent une forme familiale héréditaire de la maladie. Cette forme d’origine génétique se développe chez des sujets jeunes, avant 40 ans et peut-être facilement diagnostiquée, avant même l’apparition des symptômes par une recherche de mutations.

Des études d’association ont mis en évidence un certain nombre de facteurs de risques génétiques associés à la maladie de Parkinson, dont la grande majorité correspond à des séquences d’ADN ne codant pas de protéines. Caractériser les répertoires non-codants permet d’évaluer l’existence d’une association accrue entre ces facteurs de risque et les lncRNA spécifiques des neurones dopaminergiques. Si tel est le cas, il pourrait s’agir d’une piste significative pour expliquer la vulnérabilité tout à fait spécifique de ces derniers dans la maladie de Parkinson. Les mécanismes moléculaires qui conduisent au dysfonctionnement des neurones dopaminergiques dans la maladie de Parkinson sont encore mal connus. Identifier des régulateurs très spécifiques comme les lncRNA et étudier leur état dans le contexte de la maladie, dans les formes génétiques notamment, permettra de mieux comprendre quelles voies de régulations sont altérées dans ces cellules et d’en détailler les conséquences.

Une étude conduite par Philippe Ravassard et Hélène Cheval, chercheurs dans l’équipe de Jean- christophe CORVOL et Olga CORTI à l’Institut du Cerveau – ICM s’est intéressée aux neurones dopaminergiques, cible primaire de la dégénérescence dans la maladie de Parkinson. Ils ont ainsi découvert 1294 lncRNA, dont 80% des lncRNA sont spécifiques des neurones dopaminergiques et ne se retrouvent pas dans d’autres types de cellules.

 

Mais pour 95% des cas de maladie de Parkinson, il n’existe aucune mutation héréditaire identifiée et l’on parle alors d’une prédisposition génétique augmentant le risque d’un individu de développer la maladie alors même qu’il n’existe aucun autre cas dans sa famille.

Ces formes dites « sporadiques » sont donc, à ce jour, très difficilement prédictibles, bien que certains facteurs de prédisposition génétique aient été identifiés à ce jour.

 

Une composante inflammatoire…

 

Les travaux de l’équipe d’Olga Corti et de Jean-Christophe Corvol , publiés dans la revue Glia, ont mis en évidence un mécanisme impliqué dans la neuroinflammation dans des formes particulières de la maladie de Parkinson

Ici, les chercheurs ont mis lumière une activation anormale de l’inflammasome, un complexe de plusieurs protéines qui se forme en réponse à certains stimuli, provenant de l’extérieur comme des virus et des bactéries, ou de l’intérieur suite à la mort de cellules, par exemple. Il va conduire au déclenchement d’une réponse inflammatoire, un mécanisme naturel et protecteur en général, mais qui peut avoir des effets délétères sur la survie des cellules s’il n’est pas contrôlé et persiste de manière chronique.

Un aspect de la maladie concerne l’agrégation pathologique d’une protéine, l’alpha-synucléine mais la corrélation entre ce mécanisme et la mort des neurones est cependant difficile à établir. De nombreuses études suggèrent que l’alpha-synucléine agrégée serait centrle dans l’activation des cellules microgliales, les cellules immunitaires du cerveau, et dans les réponses inflammatoires pathologiques. Les cellules microgliales exercent des fonctions physiologiques importantes et protectrices pour le cerveau, mais lorsqu’elles sont stimulées de façon chronique, elles peuvent générer une réponse délétère pour les neurones. Il est donc essentiel de comprendre les mécanismes qui régulent cette activation des cellules microgliales pour développer des outils thérapeutiques pour moduler cette réponse. L’objectif global du projet de l’équipe d’Etienne Hirsch et Stéphane Hunot  est d’identifier de nouveaux marqueurs et mécanismes neuroinflammatoires associés à l’activation des microglies dans la maladie de Parkinson.

 

Des traitements pas toujours efficaces car prescrits trop tard…

Les maladies neurologiques ont pour caractéristique d’être diagnostiquées très tardivement car elles peuvent se développer d’un point de vue biologique pendant 5 à 10 ans sans signe visible.

Si l’on prend l’exemple de la maladie de Parkinson, certaines lésions cérébrales peuvent être détectées par IRM alors même que la personne ne manifeste aucun signe clinique. Ce paradoxe s’explique par la nécessité d’un seuil lésionnel ou d’une localisation particulière des lésions pour développer les symptômes. Or plus un traitement est administré tard plus les chances d’efficacité sont faibles.

 

Des solutions pour améliorer le quotidien du patient

Le Living Lab, créé par l’Institut du Cerveau – ICM et l’APHP, a développé un dispositif anti-freezing, réunissant un porteur d’idée, des experts en médecine, en ingénierie, et en accompagnement des malades. En 2018, le Living Lab a rassemblé 150 personnes dans une démarche d’innovation participative ciblée sur la maladie de Parkinson, commençant par l’analyse des besoins et allant jusqu’à la production de prototypes innovants. Le programme d’innovation 2018, réalisé en partenariat avec l’association France Parkinson et l’école de design STRATE (et avec le soutien de l’entreprise Abbvie), a ainsi réuni l’ensemble de l’écosystème d’innovation autour de la création d’aides techniques pour la maladie de Parkinson. Cinq solutions techniques ont ainsi pu être créées, qui continueront à être développées en 2019.

 

Une étude pilote montre des résultats positifs à l’utilisation d’un jeu vidéo thérapeutique pour la rééducation des troubles de l’équilibre et de la marche dans la maladie de Parkinson. Le jeu en question, Toap Run, a été développé par le LabCom Brain e-Novation, collaboration entre le groupe Genious et le Pr Marie-Laure Welter, chercheuse dans l’équipe de Brian LAU et Carine KARACHI et neurologue. 

 

 

« Ces premiers résultats sont très encourageants. Des essais cliniques de plus grande envergure sont encore nécessaires, mais cela nous conforte déjà dans l’idée d’inscrire ces jeux – qui se veulent complémentaires de la rééducation auprès des praticiens (thérapeutes ou kinésithérapeutes) – dans le parcours de soin. »Pr Marie-Laure Welter, neurologue, coordinatrice du LabCom Brain e-Novation.