Journée mondiale de l’épilepsie

Recherche Mis en ligne le 15 novembre 2013
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En ce 17 novembre, journée mondiale de sensibilisation à l’épilepsie, l’Institut du Cerveau – ICM fait le point.
En France, environ 500 000 personnes souffrent d’épilepsie. On distingue deux grands types de crises : les crises généralisées et les crises partielles ou focales. Au sein de l’Institut du Cerveau – ICM, une équipe de chercheurs à découvert un gène permettant de mieux comprendre cette pathologie, afin de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques.

 

Le point sur l’épilepsie

L’épilepsie, souvent considérée au début du siècle dernier comme une maladie psychiatrique, est une des maladies neurologiques chroniques les plus fréquentes ; 500 000 malades sont recensés en France. Cette maladie touche tous les âges de la vie avec un plus grand nombre chez l’enfant et chez les personnes âgées. Par an, 30 000 nouveaux patients sont diagnostiqués. L’épilepsie peut se manifester par une seule crise ou par des crises tout au long de la vie. Le retentissement social et familial de cette maladie est considérable.
L’épilepsie est due à une décharge électrique anormale et paroxystique (très brève) de neurones du cortex cérébral. La maladie peut être causée par une lésion, qu’il s’agisse d’une tumeur cérébrale, de séquelles d’un AVC ou d’un traumatisme crânien grave. Ce type d’épilepsie symptomatique peut répondre favorablement à un traitement médicamenteux ou chirurgical. La maladie peut correspondre à un dysfonctionnement du cerveau sans lésion structurelle, on parle d’épilepsie idiopathique. L’épilepsie idiopathique est souvent liée à des facteurs génétiques et est donc due à un dysfonctionnement de certains gènes dont quelques-uns sont déjà identifiés. Le plus souvent, l’anomalie se corrige avec le temps grâce au phénomène de maturation. L’épilepsie peut naitre de n’importe quelle région du cortex cérébral, on parle alors d’épilepsie partielle ou focale. Les épilepsies focales représentent 70% de toutes les épilepsies. En conséquence, il existe une grande variabilité des symptômes épileptiques car ils sont étroitement liés à la localisation des neurones qui s’activent de façon anormale. La crise a ensuite tendance à se propager et « enflamme » une plus grande surface corticale. Le patient, qui était conscient jusqu’alors, est absent, et peut avoir un comportement dangereux pour lui-même puis convulser. Là encore les symptômes sont variables en fonction du type d’épilepsie idiopathique : le patient peut perdre conscience et être pris de convulsions très impressionnantes. Les cliniciens disposent de nombreux médicaments mais aucun n’est curatif. Les médicaments antiépileptiques visent à empêcher les crises en diminuant l’excitabilité neuronale et certains sont adaptés à tel ou tel type d’épilepsie. Dans le cas où il s’agit d’une tumeur cérébrale qui provoque les crises, le patient est opéré et la guérison peut être complète. Dans une situation plus complexe, le traitement médicamenteux devra être maintenu pendant de très nombreuses années. Lorsque la région corticale d’où partent les crises est définie et si sur l’IRM on constate qu’il existe une lésion dans cette région, on peut donc envisager une chirurgie limitée à cette lésion. Cette chirurgie permet souvent une guérison complète du patient.

 

Pour en savoir plus sur l’épilepsie, vous pouvez consulter
– cette interview du Dr Vincent Navarro
– cette discussion entre Richard Miles et Gilles Huberfeld

 

Le point sur les avancées de l’Institut du Cerveau – ICM : un gène pour mieux comprendre l’épilepsie

Au sein de l’Institut du Cerveau – ICM, une équipe de chercheurs à découvert récemment un gène permettant de mieux comprendre cette pathologie, afin de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques.
Un gène impliqué dans les épilepsies dites “focales”, les plus fréquentes d’entre elles, a été découvert par l’équipe de recherche dirigée par Eric Leguern et Stéphanie Baulac de l’unité Inserm 975 « Génétique et physiopathologie des épilepsies familiales ». Les résultats de cette étude sont publiés dans une lettre de la revue Nature Genetics datée du 31 mars 2013. Les chercheurs ont étudié des familles dont les membres atteints présentaient divers syndromes d’épilepsie focale. Dans 37% des familles, des mutations ont été retrouvées dans un gène commun. Cette découverte permet d’envisager de nouveaux mécanismes pour mieux comprendre cette pathologie.

 

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L’identification de mutations dans des familles avec épilepsie frontale, temporale ou à foyer variable démontre que ce gène est un dénominateur commun à des syndromes épileptiques longtemps considérés comme distincts du fait de la localisation cérébrale différente du foyer et de l’expression électro-clinique différente observée lors des crises  souligne Stéphanie Baulac chercheuse à l’Institut du Cerveau – ICM.

Cette découverte permettra d’ouvrir de nouvelles pistes pour une meilleure compréhension des mécanismes pathologiques des épilepsies pour le développement de nouvelles cibles thérapeutiques, les épilepsies focales faisant partie des plus pharmaco-résistantes.

 

Le témoignage de Nelly, patiente épileptique au CIC (Centre d’Investigation Clinique) de l’Institut du Cerveau – ICM

Nelly est devenue épileptique à la suite d’un méningiome. Au début, sans gravité apparente, sa santé s’est considérablement détériorée en une année. La patiente a du subir plusieurs opérations, notamment liées à des complications post-opératoires. Malgré le traitement mis en place, les crises d’épilepsie dites partielles perdurent.
“Ca ne se voit pas de l’exterieur, je suis juste très fatiguée, ce n’est ni douloureux, mais c’est surtout très inquiétant.” souligne Nelly.
C’est dans ce contexte que le Dr Vlaicu, médecin investigateur et membre du CIC de l’Institut du Cerveau – ICM, lui a proposé de participer à une étude clinique.

 

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Le CIC (Centre d’Investigation Clinique) de l’Institut du Cerveau – ICM © Inserm/Latron, Patrice
Cet essai clinique dont l’intérêt est à la fois scientifique et thérapeutique a pour but de remplacer le traitement actuel de l’épilepsie par une autre molécule connue également pour soigner cette maladie et déjà utilisée à l’étranger.

 

Pour le Dr Vlaicu, “Le CIC est une structure idéale pour réaliser une étude comme celle-ci. Le protocole est très lourd avec de nombreuses contraintes pour les patients qui y participent comme les prises de sang, les examens complémentaires, les déplacements (…) L’organisation dont dispose ce centre permet d’avoir une recherche de qualité”

Pour Nelly, l’étude a été très bénéfique.

“Tout s’est très bien passé, l’équipe était adorable, aimable très accueillante, c’est primordial pour le patient.”

Grâce au nouveau médicament, elle a repris une vie normale. Elle refait du sport. Aujourd’hui, tournée vers l’avenir, elle supporte ses crises qui sont devenues plus légères.

“Tout ca, ca fait avancer les choses…les patients, les médecins, les chercheurs…on pense aux autres derrières, qui vont en bénéficier”

 

Les chercheurs au service des malades

L’Institut du Cerveau – ICM se caractérise par l’existence d’un lien très étroit entre l’activité clinique et la recherche : le fait que l’Institut du Cerveau – ICM soit implanté au sein de l’Hôpital facilite l’accès aux patients épileptiques grâce à la collaboration des services hospitaliers, avec Vincent Navarro, Michel Baulac, les équipes d’Eric Leguern et Stéphanie Baulac, de Stéphane Charpier et de Richard Miles.
Les axes de recherche sont multiples et complémentaires dans le domaine de la génétique et l’électro-physiologie. Les services cliniques recrutent les patients dont les prélèvements sanguins sont analysés au sein de l’Institut du Cerveau – ICM pour identifier des gènes impliqués dans la maladie. Les enregistrements de l’activité cérébrale des patients sont réalisés par le clinicien puis l’ensemble des données sont transférées par fibre optique vers les laboratoires de l’Institut du Cerveau – ICM, stockées sur de puissants serveurs et analysées par les chercheurs. Ces derniers se consacrent à la recherche sur l’épilepsie en utilisant des approches différentes mais le fait que ces équipes travaillent dans un même lieu, au sein de l’Institut du Cerveau – ICM, permet une étroite collaboration avec la possibilité de réaliser des expériences in Vitro et in Vivo.
L’équipe d’Eric Le Guern et de Stéphanie Baulac s’intéresse aux aspects génétiques et physiopathologiques des formes familiales d’épilepsies et à l’élucidation de leurs bases moléculaires.
L’identification des gènes impliqués dans la maladie va pouvoir permettre de trouver les défauts responsables des crises et d’en comprendre les différents mécanismes. Récemment, cette équipe a étudié des formes familiales comportant plusieurs membres atteints. Grace à la caractérisation clinique de 16 familles, en collaboration avec des cliniciens des hôpitaux universitaires de Strasbourg, ces chercheurs viennent de découvrir un gène majeur impliqué dans plusieurs formes familiales d’épilepsie focale. La technique de séquençage de l’ADN à haut débit a permis d’identifier une mutation introduisant un décalage dans la lecture du gène DEPDC5 (DEP domain containing protein 5), qui code pour une protéine de fonction encore inconnue. Par la suite, le séquençage du gène a révélé la présence de mutations dans 6 familles de la cohorte sur 16, soit plus du tiers d’entre elles. La fréquence élevée des mutations dans le gène DEPDC5 laisse entrevoir des retombées pour les patients et les familles en terme de diagnostic moléculaire et clinique.
L’équipe de Stéphane Charpier travaille sur des formes d’épilepsie du néocortex, le cortex le plus en surface, en réalisant des études électrophysiologiques à différents niveaux d’intégration : de la membrane neuronale aux réseaux synaptiques à grande échelle. Sa recherche s’est notamment concentrée sur l’épilepsie « absence » de l’enfant, qui ne dure que quelques secondes durant lesquelles le jeune patient s’immobilise. Stéphane Charpier et ses collaborateurs ont découvert que les crises « d’absence » sont initiées dans une sous-population de neurones corticaux dits « pyramidaux », plus excitables que les autres neurones du cortex. Néanmoins, ceux-ci sont inhibées par le GABA (acide gamma-amino butyrique), neurotransmetteur habituellement facilitateur . Les résultats obtenus par cette équipe conduisent à revisiter les mécanismes de généralisation des crises d’absence et le rôle du GABA dans les mécanismes de déclenchement des crises.
Dans le cadre d’un projet européen appelé « EPILEPSIAE », Michel le van Quyen au sein de l’équipe de Stéphane Charpier a mis au point des méthodes d’anticipation des crises basées sur l’analyse mathématique des électroencéphalogrammes et grâce à des enregistrements réalisés à partir de microélectrodes intracérébrales permettant d’enregistrer l’activité des neurones individuels. Ces travaux permettront de prévoir la survenue de certaines crises, de mieux comprendre les mécanismes de « préparation » cérébrale des crises et d’envisager la mise au point d’un « système d’alerte » en temps réel.
Richard Miles et ses collaborateurs concentrent leur recherche sur l’épilepsie partielle dont le foyer est situé dans le lobe temporal au niveau de l’hippocampe. L’épilepsie du lobe temporal suit un processus très stéréotypé : les crises focales se déclarent 5 ans ou 10 ans après une convulsion fébrile ou une infection qui provoquent la mort de neurones de l’hippocampe. Ces chercheurs s’intéressent aux causes moléculaires de la mort neuronale et au mécanisme de l’épileptogénèse qui en découle. Ces travaux sont menés sur des coupes de tissus épileptiques (prélevés lors d’opérations chirurgicales) maintenus en activité pendant plusieurs heures.
Pour en savoir plus sur nos équipes travaillant sur l’épilepsie et leurs publications, vous pouvez consulter notre section “Equipes scientifiques
Légende de l’image de couverture : Culture dissociée de neurone adulte humain issue d’une résection hippocampique à visée thérapeutique. In vitro, les cellules prolifèrent au sein d’un amas cellulaire appelé “Neurosphère” (au centre de l’image) : les cellules précurseurs expriment la Nestine (en rouge) et donnent naissance à de nouveaux neurones qui expriment la béta-Tubuline III (en vert) ainsi qu’à d’autres types cellulaires (noyaux marqués en bleu intense). Echelle : 20µm. Image réalisée au Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (CRInstitut du Cerveau – ICM) U975, Equipe “Cortex & Epilepsie”.
Auteur : Eugène, Emmanuel
Copyright : Inserm