Paraplégies spastiques héréditaires : un kit diagnostic révolutionnaire

Recherche Mis en ligne le 18 octobre 2017
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Une étude conduite par des chercheurs de l’Institut du Cerveau – ICM et de l’Université de Porto, et utilisant un kit de diagnostic révolutionnaire pour les paraplégies spastiques héréditaires, développé à l’Institut du Cerveau – ICM, révèle que de nombreux gènes et de potentiels nouveaux mécanismes impliqués dans ces maladies sont encore à élucider. Ces résultats suggèrent de poursuivre les efforts pour identifier les gènes responsables de ces pathologies, mieux comprendre leurs mécanismes et aider les patients à connaître leur statut. Rencontre avec Giovanni Stévanin, chercheur Inserm/EPHE à l’Institut du Cerveau – ICM et auteur de cette étude.

Quels sont les symptômes des paraplégies spastiques héréditaires ?

Les paraplégies spastiques héréditaires (HSP) sont un ensemble de maladies très hétérogènes aussi bien d’un point de vue clinique, avec des symptômes et une évolution variable, que d’un point de vue génétique avec de nombreux gènes connus comme étant impliqués. Le principal symptôme de la maladie est une raideur (spasticité) et une faiblesse des membres inférieurs conduisant à de sévères troubles de la marche. Les HSP sont dues à une dégénérescence du faisceau cortico-spinal, allant du cortex moteur jusqu’à la moelle, indispensable à la transmission des informations nerveuses aux muscles.

Quelle est la cause de ces maladies ?

Ces maladies sont principalement héréditaires et causées par la mutation d’un gène. Plus de 70 gènes ont été identifiés à l’heure actuelle, et leur nombre est en constante augmentation. Malgré ces avancées, la majorité des familles touchées par la maladie n’a toujours pas pu bénéficier du diagnostic moléculaire pour identifier le gène impliqué dans leur cas.

Pourquoi avoir développé un kit diagnostic ?

A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement validé pour les HSP, à quelques exceptions près. Cependant, la plupart des patients souhaitent connaître leur statut et le gène responsable afin de pouvoir éventuellement effectuer des diagnostics présymptomatiques ou prénataux. En effet, dans le cas des maladies héréditaires du système nerveux, le diagnostic génétique est encore très en retard par rapport aux demandes.

Grâce à un travail collaboratif impliquant la plateforme de génotypage-séquençage de l’Institut du Cerveau – ICM, la compagnie Roche-Nimblegen et des équipes de recherche fédérées autour d’un financement de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), nous avons développé un kit diagnostic capable de séquencer en quelques heures seulement et avec une grande fiabilité l’ensemble des gènes connus comme impliqués dans les paraplégies spastiques héréditaires. La mise au point de ce kit constitue un gain de temps considérable et une avancée majeure dans le diagnostic moléculaire de ces pathologies. Ce kit est maintenant utilisé en pratique clinique au sein de l’unité fonctionnelle de neurogénétique de la Pitié-Salpêtrière, et diffusé à l’échelle nationale et internationale.

Ce kit permet-il d’identifier les causes de la maladie chez tous les patients ?

Dans le cadre d’une collaboration entre l’Institut du Cerveau – ICM et l’Université de Porto, les chercheurs ont utilisé ce kit pour effectuer le diagnostic moléculaire au sein de familles touchées par la maladie au Portugal et issues d’une des cohortes historiques qui a permis de décrire ces maladies. Ils se sont penchés sur les cas de 98 des 193 familles suivies, et dont les causes génétiques de la maladie n’avaient pas encore été identifiées.

Grâce au kit diagnostic, les chercheurs ont identifié les causes génétiques chez 20% des familles impliquées dans leur étude, amenant à 42% le nombre de familles diagnostiquées sur la cohorte entière compte tenu des gènes analysés avant cette étude. 58% des cas reste donc sans diagnostic génétique connu, soit parce qu’aucune mutation n’a été retrouvée dans les séquences d’ADN étudiées, soit parce que le rôle de certains variants n’est pas encore connu.

Cela signifie que dans certains cas, la cause de la maladie n’est pas connue ?

Oui et ce résultat est important car il souligne la nécessité pour les chercheurs de rechercher de nouveaux gènes ou mutations chez ces patients, dans des zones moins explorées de l’ADN. De plus, les auteurs soulignent le fait que le mode de transmission n’est pas toujours un critère d’exclusion pour certains gènes. Ces résultats mettent en avant la nécessité d’améliorer et de généraliser le diagnostic moléculaire chez les patients, mais aussi celle de développer des outils de validation biologique permettant d’expliquer les cas pour lesquels il est aujourd’hui impossible de conclure.

Quelle sera la suite de ces travaux ?

Nous souhaitons procéder à une analyse plus large de l’ADN chez les patients pour rechercher de nouveaux gènes impliqués dans les paraplégies spastiques héréditaires. L’amélioration du kit diagnostic fait également partie de nos objectifs, notamment en le comparant avec d’autres outils diagnostics développés dans ces maladies et en l’ouvrant à d’autres maladies neurodégénératives car les frontières entre ces maladies ne sont plus aussi figées qu’avant et des gènes de sclérose latérale amyotrophique ou de neuropathie par exemple peuvent expliquer aussi des cas de paraplégie spastique.

Référence : Massive sequencing of 70 genes reveals a myriad of missing genes or mechanisms to be uncovered in hereditary spastic paraplegias. Morais S, Raymond L, Mairey M, Coutinho P, Brandão E, Ribeiro P, Loureiro JL, Sequeiros J, Brice A, Alonso I, Stevanin G. Eur J Hum Genet. 2017 Aug 23.