Un répertoire de régions inexplorées de l’ADN

Recherche Mis en ligne le 22 mars 2019
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Une étude conduite à l’Institut du Cerveau – ICM par Philippe Ravassard (CNRS) et Hélène Cheval (Sorbonne Université) a identifié le répertoire des longs ARN non-codants des neurones dopaminergiques, cible primaire de la dégénérescence dans la maladie de Parkinson. Ce répertoire issu des régions méconnues de notre génome est extrêmement spécifique des neurones dopaminergiques. Les résultats, publiés dans Scientific Report, ouvrent la voie à une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires et cellulaires en jeu dans la maladie de Parkinson.

 

L’ADN, tant de régions restent à explorer

Les techniques de séquençage à haut-débit ont mis en lumière que la quasi-totalité de notre ADN est transcrit en ARN, le support intermédiaire de l’information génétique avant la synthèse des protéines, qui assurent le fonctionnement cellulaire. Pourtant, seule une petite partie de cet ARN code des protéines. Qu’en est-il de toutes ces régions « non-codantes » qui ne donneront pas de protéines ? Ces régions sont principalement transcrites sous forme de longs ARN non codants (lncRNA) qui représentent une classe de molécules dont l’importance est soulignée depuis une dizaine d’années en tant que puissants régulateurs de l’expression des gènes.

 

Le répertoire des longs ARN non-codants des neurones dopaminergiques

Une étude conduite par Philippe Ravassard et Hélène Cheval à l’Institut du Cerveau – ICM s’est intéressée aux neurones dopaminergiques, cible primaire de la dégénérescence dans la maladie de Parkinson. Ils ont cherché à établir le répertoire des lncRNA exprimés dans ce type de cellules à partir de modèles murins. Afin de confirmer que les lncRNA identifiés sont bien spécifiques des neurones dopaminergiques, ils les ont comparés à un type cellulaire proche, les neurones sérotoninergiques.

Pour cela, les chercheurs sont parvenus à récupérer une population très pure de neurones dopaminergiques et ont développé une stratégie expérimentale novatrice pour caractériser le répertoire des lncRNA. Ils ont ainsi découvert 1294 lncRNA dont 939 n’avaient jamais été décrit auparavant. Ils mettent également en évidence que 80% des lncRNA des neurones dopaminergiques sont complètement absents des neurones sérotoninergiques et vice versa. Ceci témoigne d’un degré de spécificité très grand des lncRNA. Ils constituent donc une signature moléculaire particulièrement intéressante pour un type cellulaire donné.

 

Un intérêt majeur pour comprendre les mécanismes de la maladie de Parkinson

Des études d’association ont mis en évidence un certain nombre de facteurs de risques génétiques associés à la maladie de Parkinson, dont la grande majorité correspond à des polymorphismes de séquences d’ADN ne codant pas de protéines.

 

« Caractériser les répertoires non-codants permet d’évaluer l’existence d’une association accrue entre ces facteurs de risque et les lncRNA spécifiques des neurones dopaminergiques. Si tel est le cas, il pourrait s’agir d’une piste significative pour expliquer la vulnérabilité tout à fait spécifique des neurones dopaminergiques dans la maladie de Parkinson. »précise Hélène Cheval (Sorbonne Université).

Fréquemment, un long ARN non-codant peut réguler les gènes localisés dans sa proximité directe sur le génome. En se penchant sur la spécificité des gènes voisins des lncRNA répertoriés, les chercheurs ont mis en évidence qu’un certain nombre de ces gènes sont très importants dans les fonctions des neurones dopaminergiques. Les lncRNA correspondant pourraient donc potentiellement réguler ces gènes qui vont assurer la fonction spécifique de la cellule.

 

« Les mécanismes moléculaires qui conduisent au dysfonctionnement des neurones dopaminergiques dans la maladie de Parkinson sont encore mal connus. Identifier des régulateurs très spécifiques comme les lncRNA et étudier leur état dans le contexte de la maladie, dans les formes génétiques notamment, nous permettra de mieux comprendre quelles voies de régulations sont altérées dans ces cellules et d’en détailler les conséquences. » conclut Philippe Ravassard (CNRS).

Ce type d’étude pourrait également s’étendre à toutes les pathologies associées à la dégénérescence ou au dysfonctionnement d’un type cellulaire particulier comme les motoneurones dans la sclérose latérale amyotrophique ou les macrophages dans la sclérose en plaques.

 

Source

Long non-coding RNA repertoire and open chromatin regions constitute midbrain dopaminergic neuron – specific molecular signatures.Gendron J, Colace-Sauty C, Beaume N, Cartonnet H, Guegan J, Ulveling D, Pardanaud-Glavieux C, Moszer I, Cheval H, Ravassard P. Sci Rep. 2019 Feb 5