Retour aux sources : l’hypothèse cholinergique dans la maladie d’Alzheimer

Recherche Mis en ligne le 28 novembre 2017
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Le système cholinergique est impliqué dans les mécanismes de mémorisation et de cognition. Son dysfonctionnement pourrait être la cause des symptômes observés dans la maladie d’Alzheimer, c’est l’hypothèse cholinergique. Une étude revient sur l’intérêt de cette dernière pour mettre en place de nouvelles stratégies thérapeutiques. Rencontre avec le premier auteur de l’étude, le Pr Harald Hampel, principal investigator à l’Institut du Cerveau – ICM, titulaire de l’AXA Research Fund & Sorbonne Université Chair “Anticiper la Maladie d’Alzheimer” et fondateur du Cholinergic System Working Group.

Quels sont les enjeux de la maladie d’Alzheimer ?

La maladie d’Alzheimer touche près de 900 000 personnes en France et 36 millions dans le monde entier, et ce nombre va croissant ! Si nous comprenons de mieux en mieux la cascade d’événements qui conduit à la dégénérescence des neurones, nous rencontrons encore de nombreuses difficultés pour traiter cette maladie. Identifier et valider de nouvelles stratégies pour retarder voir prévenir cette dégénérescence et donc la maladie est crucial.

A propos de la dégénérescence de neurones, vous évoquez l’« hypothèse cholinergique », qu’est-ce exactement ?

L’hypothèse cholinergique en quelques mots, c’est l’idée que le dysfonctionnement du système cholinergique, une des principales voies de neurotransmission dans le cerveau et qui est fondamentale dans les mécanismes de mémorisation et de cognition, est une cause de la maladie d’Alzheimer.

A l’heure actuelle, les traitements existant visent ce système cholinergique. Ces médicaments ont été validés comme permettant de retarder les symptômes de la maladie, même si leurs effets sont limités. Des doses plus importantes de ces traitements ont montré des meilleurs bénéfices sur les symptômes de la maladie mais avec des effets secondaires trop importants.

De récentes études ont montré que leur utilisation à long terme pouvait avoir des effets bénéfiques plus globaux notamment sur l’atrophie du cerveau. Par exemple, notre dernière étude a montré un effet positif du traitement au donepezil (un des médicaments ciblant le système cholinergique) avec une diminution de l’atrophie de régions très importantes pour la mémoire et touchées précocement dans la maladie. De tels résultats montrent l’intérêt de se pencher à nouveau sur le système cholinergique pour à terme reformuler cette « hypothèse cholinergique » en y intégrant de nouveaux éléments en lien avec les derniers progrès en date dans le domaine.

Quels sont les difficultés rencontrées dans les essais cliniques sur la maladie d’Alzheimer ?

Les essais cliniques dans la maladie d’Alzheimer sont très nombreux, mais les échecs le sont tout autant. Depuis des années, la recherche de thérapeutiques pour ralentir ou stopper l’avancée de la maladie s’est focalisée sur les plaques amyloïdes, les principales lésions observées dans le cerveau des malades, avec des résultats infructueux. Mais cela a également occulté les recherches sur d’autres cibles.

Une des difficultés pour le développement de thérapies est l’absence de modèle adéquat posant les questions de la localisation spécifique des lésions, des facteurs génétiques et environnementaux impliqués dans le développement de la maladie, les comorbidités médicales, les pathologies associées… Une des limitations majeures à l’heure actuelle est de se baser sur un tableau clinique unique de la maladie. L’idée d’une thérapie qui convient à tous est dépassée, il faut aller vers une médecine beaucoup plus personnalisée et préventive.

Ce travail est une initiative du Cholinergic System Working Group, pouvez-vous nous en dire plus ?

Le Cholinergic System Working Group réunit des scientifiques de renommée internationale travaillant sur le système cholinergique, mais nous prônons une approche globale de la maladie, ne se focalisant pas uniquement sur le système cholinergique ou sur une région particulière du cerveau.

Ce travail est le fruit de 2 ans de développement et apporte des informations très importantes sur le rôle central du système cholinergique dans la maladie d’Alzheimer, en particulier sur l’impact globale des thérapies sur la maladie et pour l’amélioration des essais cliniques.

Référence : Revisiting the cholinergic hypothesis in Alzheimer’s disease: Emerging evidence from translational and clinical research. nHampel H, Mesulam MM, Cuello AC, Khachaturian AS, Farlow MR, Snyder PJ, Giacobini E, Khachaturian ZS; Cholinergic System Working Group. Alzheimers Dement. 2017 Oct 10.